L'ami
aurice
a déniché le livre "I Martiri di Laval". Ecrit en
italien, il avait été traduit du français par P.
Francesco Tamburo en 1955.
Le titre original était "Les Martyrs de Laval", de Mgr E.
Cesbron.
Nous avons tenté, ici, de le retraduire en français le
plus fidèlement possible, à partir de l'italien. Nous
avons conservé le mot "lires", ne sachant comment traduire
cette unité.
Vous y lirez un point de vue très
partisan mais, au-delà, découvrirez la période
particulièrement "trouble" qui fut celle de la
Révolution.
rançoise
Mézière naquit à Mézangers le 25
août 1745 et fut baptisée le jour même. Son
père, René Mézière, excellent
chrétien, habitait dans la ferme de la Maulorière qui
appartenait à l'abbaye bénédictine d'Evron.
Travailleur intelligent et consciencieux, René
Mézière sut tirer profit de sa ferme. Quand il la prit,
elle rapportait 90 lires seulement à l'abbaye. Il fera monter
progressivement le revenu jusqu'à 330 lires. Pour cela il fut
très estimé du père économe de l'abbaye,
lequel lui prouva sa reconnaissance, d'abord en reconstruisant la
maison d'habitation de la Maulorière, puis en assistant au
baptême de son neuvième fils. A la
cérémonie prit aussi part le curé de
Mézangers, avec le curé et le vicaire de
Hambers.
Françoise Mézière grandit
au milieu des deuils. A quatre ans, elle perdit sa mère,
Françoise Rousseau. Pour élever ses six enfants,
René Mézière se remaria à la tin de 1749.
Sa seconde femme, Marie Heurtebise, lui donna à son tour trois
enfants, puis mourut en 1754. Quelques mois avant, ils avaient
enterré la soeur aînée de Françoise.
René Mézière se remaria à nouveau en
1758.
En 1768, Françoise Mézière
a 23 ans. Elle se sent attirée (peut-être
l'était-elle depuis longtemps) vers l'apostolat.
C'était une période où se
développait largement en Bas-Maine l'oeuvre dite des "petites
écoles". A Evron, en 1720, une de ces institutions existait,
grâce à la générosité de
l'abbé des Bénédictines et au zèle du
curé local. Elle était dirigée par les soeurs de
la Chapelle-au-Ribaul. Elles dirigeaient aussi un office de
charité, organisé selon les méthodes de Saint
Vincent de Paul, qui, dans les années 1768, 1769, 1770, les
rendirent particulièrement actifs et prospères.
Françoise Mézière se préparera donc
à sa double tâche de maîtresse d'école et
de soeur de charité.
René Mézière avait
épousé en troisième noce Marie Coutelle. Marie
Coutelle avait une cousine germaine, Marguerite Coutelle ; celle-ci
s'occupait en la paroisse de Saint-Léger des fonctions
auxquelles aspirait Françoise Mézière. Elle y
avait été appelée en 1752 par l'abbé
Dioré, prêtre aussi généreux que
zélé.
Ayant quelques économies, l'abbé
Dioré s'était demandé en quelles oeuvres
paroissiales elles pouvaient être employées le plus
utilement possible. Après mûres réflexions,
"voyant que les jeunes avaient envie de se faire instruire par le
prêtre coopérant et connaissant par sa longue
expérience l'utilité des petites écoles,
spécialement pour les jeunes filles de la campagne",
l'abbé Dioré prit la résolution de fonder l'une
de ces écoles avec ses économies. Les jeunes filles
pourraient ainsi inspirer et maintenir dans la famille les sentiments
religieux reçus dans leur jeunesse, lorsqu'elles seraient
devenues mère et maîtresse de maison.
Quand il lui fut possible d'effectuer sa
proposition, il confia à mademoiselle Marguerite Coutelle la
direction de la nouvelle école, la chargeant "d'apprendre
à lire et à écrire gratuitement aux jeunes
filles de la paroisse, de leur faire réciter tous les jours la
prière et leur enseigner le catéchisme le mercredi et
le samedi".
'abbé
Dioré meurt en 1770. C'est son cher ami et vicaire,
l'abbé Joseph Gigant, cousin de Marguerite Coutelle et de
Françoise Mézière, qui lui succède. La
demoiselle Coutelle, déjà âgée, sentit le
besoin d'être aidée et bientôt remplacée.
Naturellement, l'un et l'autre pensèrent à
Françoise Mézière comme auxiliaire.
Françoise Mézière accepte
: elle fera l'école en se conformant au règlement
établi par le fondateur, l'abbé Dioré. Elle
visitera aussi les malades, et aussitôt ils remarqueront
qu'elle était "capable de soigner toutes sortes de blessures".
Elle s'occupera, en plus, de laver le linge de l'église et de
préparer les autels.
De 1770 à 1789, Françoise
Mézière vécut les années les plus
tranquilles et les plus heureuses de son existence. Durant ces 19
années, il y aura des jours de deuil, de tristesse, mais qui
affecteront peu son état d'âme.
En 1772, elle perdra son amie Marguerite
Coutelle et par conséquence deviendra la titulaire de
l'école.
En 1776, notre vicaire de Saint-Léger,
l'abbé Ripault, très estimé de tous dans la
région d'Evron, est nommé curé de Gesvres.
Durant toute la Terreur jusqu'au Concordat, il exercera son
ministère clandestin avec beaucoup de succès. A sa
place, les paroissiens de Saint-Léger voient arriver un jeune
prêtre, l'abbé René Morin, lequel, sous un
extérieur assez particulier, cache un jugement très
lucide, un grand esprit d'initiative et surtout une âme
vraiment surnaturelle. Dans les provinces de l'Ouest, le
clergé et les fidèles en ce temps-là
nourrissaient une fervente dévotion au coeur de Jésus.
Les Vendéens et les Chouans mettront sur leur poitrine l'image
du Sacré Coeur, de façon à ce que tous puissent
la voir et ce sera leur signe de reconnaissance. L'abbé
René Morin est un apôtre de cette nouvelle
dévotion.
L'année suivante, l'abbé Joseph
Gigant, "plein de rhumatismes", donne sa démission de
curé. Son neveu, l'abbé Jacques Gigant, lui aussi
cousin de Françoise Mézière, lui succède.
Les soeurs de l'abbé Jacques seront très amies par la
suite.
Pour notre servante de Dieu, dès 1789,
commence une période d'inquiétudes angoissantes, puis
de persécutions cruelles. Heureusement, la cure de
Saint-Léger abrite des prêtres de saine culture, en
lesquels elle reporte toute sa confiance.
Déjà, depuis le temps de la
parution des "cahiers de doléances" du clergé,
l'abbé Gigant et l'abbé Morin donnèrent la
preuve de leur sagacité et de leur clairvoyance. La prise de
la Bastille et les premiers troubles dans les campagnes leur
causèrent bien des préoccupations et des
chagrins.
Françoise Mézière
partageait naturellement leurs points de vue et leurs craintes.
D'ailleurs, la loi qui mettait les propriétés
ecclésiastiques "à disposition de la nation", la
concernait directement. En effet, les petites
propriétés desquelles elle retirait ses revenus
figuraient dans la liste des biens nationaux.
Ensuite arrive la constitution civile du
clergé, avec son fatal serment, mais ni le curé ni le
vicaire de Saint-Léger n'en tiendront compte.
t
voici que le 14 avril 1791 l'obligation du serment est étendu
aux maîtres et maîtresses d'école. S'ils s'y
refusaient, l'interdiction d'enseigner leur était
signifiée, et par conséquence la perte de leur
traitement. De telle façon, refuser était se condamner
à l'indigence. Françoise Mézière
n'hésite pas un instant : elle suivra l'exemple donné
par son curé et son vicaire. Elle pourra conserver, au moins,
ses occupations d'infirmière et de garde-malade.
Vers la fin de juillet 1791, l'abbé
Gigant et l'abbé Morin sont informés qu'un curé
assermenté a été nommé pour
Saint-Léger, et qu'ils seront contraints de laisser
l'église et la cure. Cependant la municipalité ne veut
à aucun prix permettre qu'un intrus se substitue à nos
bons prêtres. Elle le fait savoir à Bouvet, le procureur
commissaire du district. Bouvet répond que la loi doit
être observée et que Heurtebise, le nouveau pasteur,
appelé par la voix du peuple, donc la voix de Dieu, se rendra
sans délai dans la paroisse. La municipalité n'attend
pas longtemps pour répondre que le corps électoral
n'est pas la voix du peuple et encore moins la voix de Dieu. Le
procureur commissaire toutefois fait savoir que l'abbé Gigant
et l'abbé Morin doivent abandonner immédiatement la
cure et la paroisse et que le curé constitutionnel arrivera le
28 août.
En effet, Heurtebise se présente le 28
août, mais la municipalité ne le reçoit pas et il
se trouve devant une foule indignée et hostile. Alors il
rebrousse chemin.
Le dimanche suivant 4 septembre, il
réapparaît, cette fois entouré de 50 gardes
nationaux, et prend possession officiellement de l'église et
de la cure. Il fait garder la cure par un officier avec 12 soldats
afin de la protéger contre les malintentionnés au cas
où il y en aurait.
Nous pouvons imaginer l'angoisse de la pauvre
institutrice restée sans ses conseillers, sans son directeur
spirituel, et témoin de scènes semblables.
Tout de suite se vérifièrent deux
incidents. Un dimanche, le vieux sacristain se moque publiquement de
l'intrus : il est arrêté et conduit en prison. Quelques
semaines plus tard, un fermier appelé Le Villain, se
présente au curé constitutionnel, qui tient les
registres d'état civil pour lui demander d'inscrire son fils
né le 14 octobre. Le curé n'accepte qu'à
condition de baptiser d'abord l'enfant. Le fermier refuse et s'en va.
L'intrus, dans le but d'insister, lui envoie des ouvriers qui
travaillaient pour lui. Le fermier lui répond "qu'il sait bien
comment se comporter". Alors, il est dénoncé et
confié au tribunal de Sainte Suzanne qui, le 19 octobre, le
condamne à la prison.
Cette fois la patience des catholiques est
à bout. Le soir même, de nombreux coups de fusil
viennent éclater sous les fenêtres de la cure. Le matin
suivant, l'intrus, tremblant de peur, fuit à Evron avec ses
treize gardiens.
L'abbé Gigant et son vicaire retournent
dans la paroisse au mois de novembre 1791 et y
célèbrent publiquement la fonction religieuse jusqu'au
samedi saint de 1792. Au milieu de tant de tribulations, ce fut une
fugace embellie de joie, malheureusement trop tempérée
par des préoccupations d'un avenir qui s'annonçait
à l'avance encore plus obscur que le
présent.
De toutes parts autour d'Evron, à
Saint-Léger comme en les communes environnantes, avec grande
prudence, on prépare des cachettes dans lesquelles les
prêtres persécutés pourront se réfugier.
D'ailleurs, la région s'y prête à merveille.
L'hiver passe en ces préparatifs. Et voici le printemps de
1792.
Le 26 mars, à proximité de
Pâques, un décret du directoire de la Mayenne prescrit
aux prêtres des paroisses qui ont été pourvues
d'un curé assermenté de se rendre sans délai
à LavaI pour y être internés. Par une telle
mesure sont frappés aussi le curé et le vicaire de
Saint-Léger, quoique l'intrus ait été
obligé de fuir. Mais ceux-ci ne se préoccupent
nullement d'exécuter ce qui leur est imposé.
Le lundi saint 2 avril, une grande
manifestation est organisée à Evron pour que les bons
prêtres ne soient pas écartés de leurs paroisses.
Cette manifestation eut un résultat très malheureux.
Saint-Léger fut l'une des paroisses avec le plus grand nombre
de manifestants. Rester ainsi à Saint-Léger devenait
trop difficile pour l'abbé Gigant et l'abbé Morin
à cause des représailles possibles, dont pourraient
souffrir leurs meilleurs paroissiens. Aussi, le jeudi saint, ils
partirent pour Laval. De là, du reste, les occasions ne
manqueraient pas pour faire parvenir ordres et paroles de
réconfort aux catholiques les plus fervents, et en premier
lieu à leur zélée soeur de la charité.
Les réconforts religieux les plus urgents furent
assurés grâce aux prêtres déjà
cachés dans la paroisse ou en ses environs.
'est
alors que commence le travail "d'agent de liaison" parmi les malades
que la Bienheureuse visite, et les prêtres cachés. On
avait préparé pour eux des refuges à Fay,
à Guivain, à Malabry, à Bas-Taillis. Il y en
avait d'autres à la limite des paroisses, par exemple à
Millière.
Au mois de juillet, Françoise
Mézière est sollicitée à prêter
serment de liberté-égalité ou à
abandonner pour toujours la maison de l'école qu'elle habite
encore. Elle va en pension à la ferme de la Baillée. Il
lui sera ainsi plus facile de se soustraire aux regards indiscrets :
sa tâche réclame beaucoup de perspicacité et de
prudence.
A la fin d'août, elle apprend le
départ pour Jersey de l'abbé Gigant et l'abbé
Morin, mais une nouvelle encore plus joyeuse lui parvient :
l'abbé Morin est de retour. S'est-il vraiment embarqué
pour Jersey ? Non, dans le centre-ville de Laval, 1 rue Renaise, il a
déjà trouvé une cachette chez les demoiselles
Ducléré. Alors, entre la courageuse soeur de
charité et son directeur spirituel s'établit une
correspondance, dont il reste des traces. Quand, le 19 janvier 1793,
on perquisitionne au domicile des demoiselles Ducléré
pour y chercher l'abbé Morin, lequel put fuir à temps,
les policiers mirent la main sur "quelques morceaux de papier,
lesquels, selon le rapport des policiers, semblent contenir un poison
aristocratique et fournir les nouvelles au sujet du dit
prêtre".
Maintenant, l'un de ces documents datant du 26
septembre, écrit avec des abréviations et une
orthographie conventionnelle, dit : "La demoiselle
Mézière m'a envoyé quelques lignes. Elle me dit
qu'elle est inquiète, qu'elle n'a plus d'appointements pour
payer sa pension et le cidre qu'elle a pris à l'auberge,
qu'elle doit tout payer et qu'elle n'a plus d'argent... Je suis
allé me recommander à l'abbé Coinon afin qu'il
me fasse le plaisir de m'avancer la demi pension fixée, pour
la fête de la Toussaint, devant confier à mademoiselle
Mézière de quoi payer sa pension et le cidre qu 'elle a
pris à l'auberge. Elle a reçu toute la demi pension,
j'ai donné mon reçu ". Et il ajoute : "Mademoiselle
Mézière m'a remis le reçu. Elle a reçu
118 sous que je lui ai donnés". Ainsi le
généreux prêtre Morin pourvoira aux besoins de
l'héroïque soeur de la charité de
Saint-Léger.
L'entière année de 1793 se passe
pour Françoise Mézière au service d'un
zèle et d'une charité pleins de dangers, mais riches de
mérites.
ers
la fin de décembre, les épaves misérables de la
grande armée de Vendée, refluent du Mans vers Laval.
Les colonnes républicaines les poursuivent implacablement, et
la route est encombrée de cadavres d'hommes, de femmes et
d'enfants. Beaucoup s'éloignent des routes principales et
cherchent à trouver refuge dans les bois.
Aux alentours de Livet, durant la seconde
moitié de janvier, on signale à Françoise
Mézière la présence de pauvres soldats errants
et affamés. La courageuse chrétienne en accueille sept
dans une première cabane et deux autres dans une seconde. L'un
de ces derniers était blessé ; elle soigne les plaies
du blessé et donne à manger à tous. Mais les
deux pauvres bougres du second refuge sont découverts et
transportés à Evron le 2 février. A son tour,
Françoise Mézière est arrêtée
à la Baillée, dans la nuit du 4 au 5 février, et
conduite à Evron. Vers 10 heures, dans une charrette
entourée de gardes à cheval, les trois prisonniers
partent pour Laval.
Simultanément, le procureur commissaire
Bouvet fait parvenir à l'accusateur public le rapport suivant
: "La garde nationale d'Evron a arrêté deux brigands de
Vendée réfugiés dans les bois de Livet. Le jour
suivant, je les ai fait comparaître devant le directoire pour
leur poser quelques questions. Ces deux scélérats ont
déclaré que la nommée Mézière,
espèce de soeur de charité de la commune de
Saint-Léger, venait les visiter dans le lieu où ils
s'étaient réfugiés, qu'elle leur portait leurs
moyens de subsistance et qu'elle les avait soignés d'une
blessure reçue durant la route vers Le Mans. Un de ces
monstres a ajouté que la jeune Mézière avait dit
connaître aussi la cabane dans laquelle étaient
cachés leurs sept autres compagnons. Après de telles
déclarations, j'ai remis au commandant de la gendarmerie
nationale de cette ville un réquisitoire pour faire
arrêter la dite soeur Mézière, ce qui a
été fait cette nuit-là. Ce matin-là, je
l'ai fait comparaître devant les deux brigands, lesquels ont
persisté dans leur déclaration qu'ils m'avaient faite
le jour précédent. Je t'envoie ces trois individus pour
que tu puisses en faire le procès et demander pour eux la
juste punition de leurs méfaits".
Ce document exige quelques observations. Il est
possible en effet que Bouvet ait arraché aux Vendéens
déprimés, errants depuis plusieurs mois, le nom de leur
bienfaitrice. Mais leur était-il vraiment nécessaire,
cet acte d'ingratitude ? Sachant que les deux malheureux avaient
été arrêtés dans le bois de Livet, c'est
à dire à la limite de Saint-Léger, voyant que
les blessures de l'un d'eux avaient été soignées
par une personne habituée à guérir les plaies,
ne pouvait-il pas penser que cette charitable infirmière
était certainement Françoise Mézière
?
En effet Bouvet était bien
informé sur Saint-Léger. Rappelons-nous la lettre qu'il
avait échangée avec la municipalité lors de la
prise de possession de cette paroisse par un intrus, et
l'échec subi. Du reste, Bouvet était notaire. A
l'époque, la fondation de l'école de Saint-Léger
avait été réalisée dans son propre
cabinet. Probablement avait-il aussi vendu lui-même, comme
biens nationaux, les petites propriétés desquelles
provenaient les ressources de la soeur de Saint-Léger. Enfin,
le 14 avril 1793, Bouvet avait encore fait arrêter à
Evron un séminariste, précisément dans la maison
de la tante de Françoise Mézière, madame
Pierrette Mézière.
Françoise Mézière
comparaîtra à Laval devant le tribunal, lequel, 15 jours
avant, avait envoyé à la guillotine les 14
prêtres de la " Patience". La soeur ne doute pas un instant du
sort qui l'attend.
Nous ne possédons pas son interrogatoire
: les demandes qui lui furent adressées et les réponses
qu'elle donna furent recueillies dans trois registres qu'on fit
disparaître mystérieusement aussitôt après
le 9 thermidor. Cependant, nous avons le texte du jugement qui
condamne à mort soeur Françoise avec quatre autres
personnes.
oici
en ce qui concerne Françoise Mézière
:
"Françoise Mézière, soeur
de la charité de la commune de Saint-Léger, district
d'Evron, arrêtée et accusée d'avoir nourri
pendant neuf jours deux brigands réfugiés dans une
cabane ; d'avoir soigné religieusement les blessures de l'un
d'eux et de lui avoir apporté tous les secours dont elle
était capable, secours qu'elle avait refusé à
d'intrépides volontaires ; de ne pas vouloir
révéler en outre une autre cabane en laquelle, comme
tout semble l'affirmer, sont cachés sept autres brigands ;
d'avoir observé le plus grand silence à ce sujet envers
la municipalité ; d'avoir refusé de prêter
serment de fidélité aux lois de la patrie ; d'avoir des
milliers de fois, comme une autre vipère de l'espèce
sacerdotale, vomi outrageusement des invectives contre le
système républicain..."
xaminons
ces différents chefs d'accusation : on reproche à la
servante de Dieu
- de ne pas avoir avisé la
municipalité au sujet de la présence des soldats
vendéens dans le bois de Livet. Avertir la
municipalité aurait été la même chose
qu'envoyer à la mort les hommes qu'elle considérait
comme de bons chrétiens, puisqu'ils avaient pris les armes
seulement pour la défense de leur propre foi.
- d'avoir refusé son secours à
d'intrépides volontaires. Pure calomnie. Si le fait eut
été vrai, ils nous auraient donné les noms de
ces volontaires et les auraient appelé à
témoigner; ils auraient dû nous dire où et
quand ce fait arriva.
- d'avoir "comme une autre vipère de
la race sacerdotale" vomi mille injures contre le système
républicain. De cette façon, elle est accusée
d'avoir parlé comme le faisait les bons prêtres
d'alors. N'était-ce pas là son devoir ? N'avait-elle
pas raison, par exemple, de conseiller aux paroissiens de
Saint-Léger de ne pas assister aux fonctions de l'intrus,
de ne pas lui présenter leurs enfants à baptiser ?
N'avait-elle pas le droit de se plaindre que les prêtres
fidèles à Dieu et aux évêques
légitimes étaient tenus éloignés de
leur paroisse ?
- d'avoir refusé le serment. Oui, elle
avait refusé le serment de 1791, et c'est pour cette raison
qu'elle avait été privée de ses ressources et
chassée de sa demeure. Après cela elle
n'était plus "fonctionnaire". Pourquoi voulaient-ils d'elle
un serment auquel elle n'était plus légalement tenue
? Sans doute parce qu'à leurs yeux ce serment
équivaudrait à un acte d'apostasie.
- d'avoir nourri et caché deux
Vendéens et d'avoir "soigné religieusement" la
blessure de l'un d'eux. Ainsi elle est condamnée pour un
acte d'humanité, qu'elle a accompli "religieusement", c'est
à dire : ils la condamnent pour son amour de
Dieu.
Ne reste donc en définitive qu'à
l'envoyer à la mort en haine à Dieu. Du reste, dans ces
expressions "soigné religieusement", "vipère de la race
sacerdotale", combien on perçoit la haine de Dieu !
Pour cette raison, Françoise
Mézière ne dissimula pas sa joie en écoutant la
sentence capitale. Elle fit une révérence à ses
juges et les remercia de lui procurer le bonheur d'aller voir Dieu au
ciel. A cela, un des misérables juges répliqua par cet
ignoble blasphème : "Puisque tu vas voir ton bon Dieu,
présente-lui mes félicitations !"
C'est avec une telle dignité que meurent
les vrais martyrs.
Mgr E. Cesbron, I Martiri di
Laval
Un
jugement du 17 pluviôse an II condamna à mort
Françoise Mézières, soeur de la
Charité, pour avoir exercé la charité
vis-à-vis de pauvres soldats vendéens
blessés.
Dom Piolin, Histoire de
l'église du Mans, IX, 5-7
|
Françoise
Mézière, née à Mézangers
en 1745, fut institutrice de Saint-Léger. Elle fut
condamnée à mort le 5 février 1794 (17
pluviôse an II) pour avoir secouru deux
Vendéens réfugiés dans les bois de
Montecler, après la défaite du
Mans.
son acte de
naissance
La partie du jugement qui la concerne
nous apprend les faits reprochés à
l'audience.
"La Commission révolutionnaire
déclare : Françoise Mézière,
ci-devant soeur de charité [elle n'appartenait
à aucune congrégation religieuse] de la
commune de Saint-Léger (Mayenne), atteinte et
convaincue d'avoir pendant 9 jours nourri deux brigands
réfugiés en une loge, et même
pansé religieusement les blessures d'un (sic) et lui
avoir procuré les secours dont elle était
capable ... En conformité du refus de prestation de
serment de fidélité aux lois de la patrie,
d'avoir comme une autre vipère de l'engeance
sacerdotale, vomi mille fois les invectives les plus
outrageantes contre le système républicain,
etc."
On rapporte qu'ayant entendu sa
condamnation, la digne femme remercia les juges de ce qu'ils
lui procuraient le bonheur de se réunir à Dieu
et qu'un des juges eut l'audace de lui répondre :
"Puisque tu vas voir ton bon Dieu, fais-lui mes compliments
!"
monographie communale -
Mézangers - AD53 - MS80 03/05 - p.
12-13
|
omplément
: tiré de "Béatifications récentes (17 avril
1955 - 3 mai 1959)", de Pierre Delooz, édité en 1960 -
chapitre "Béatifications récentes"
Source : la nouvelle revue
théologique http://www.nrt.be
erci
de fermer l'agrandissement.
https://www.stleger.info